L’expérience dans la formation

L’expérience antérieure

Les chercheurs de la formation aux adultes sont des précurseurs dans la reconnaissance de l’expérience en tant que pilier pour développer de nouveaux apprentissages. En effet, de grands théoriciens de l’éducation et de la philosophie comme David Kolb et John Dewey, accordent une place prédominante à l’expérience dans leurs modèles de l’apprentissage des adultes, ou de « l’Andragogie ».

Or, la notion d’expérience, et plus particulièrement la volonté d’agir avec elle et sur elle, est un impératif auquel les formateurs aux adultes doivent s’accorder avec les bénéfices et les défis que cela apporte.

Le sujet global ou le point commun est l’entrepreneuriat, mais les sujets sous-adjacents sont nombreux et variés. De même, les participants aux formations sont issus de différents milieux et proposent des projets dans différents domaines. Dans bien des cas, les groupes d’apprenants entrepreneurs n’ont pas le même langage, ont certaines idées préconçues et voient le monde des affaires à leur manière.

Selon une étude, menée par AOUNI et Surlemont (2007), trois types d’expérience professionnelle ont été identifiés comme potentiellement utiles dans une formation en entrepreneuriat. Il s’agit des expériences entrepreneuriales antérieures, de l’expérience en gestion et de l’expérience technique dans le domaine d’affaires de l’entreprise. Toutefois, l’étude a démontré qu’au-delà de l’expérience professionnelle des apprenants, leur mode d’apprentissage influence également la façon dont ils transformeront l’expérience antérieure.

Les entrepreneurs traversent quatre phases qui les mèneront à la création d’une nouvelle entreprise (création de valeur) et des compétences différentes sont nécessaires à chacune d’entre elles. Pour le formateur en entrepreneuriat, cela implique d’ajuster ses méthodes en fonction de la phase du processus de création en cours. Toutefois, pour chacune de ces phases, l’expérience antérieure de l’apprenant viendra moduler sa façon d’apprendre.

En effet, l’expérience de départ est la base de l’apprentissage à venir. Ce sont d’ailleurs les conclusions de Dewey (Mayen P. et Mayeux C., 2003) qui nous enseigne que l’expérience antérieure va « orienter » l’apprentissage à venir et lui donner son élan de départ. Dans le même sens, dans l’étude d’AOUNI et Surlemont (2007), on suppose que « l’individu qui parviendra à intégrer les stimuli associés à l’information recueillie est celui qui détient des connaissances qui y sont associées. Cette affirmation a effectivement été démontrée par plusieurs auteurs consacrés à l’apprentissage entrepreneurial. Ces auteurs suggèrent que le niveau de connaissances détenues par l’entrepreneur conditionne sa capacité à acquérir de nouvelles connaissances reliées ». C’est donc dire que la somme de l’expérience antérieure est effectivement la base de nouveaux apprentissages, mais aussi que l’expérience professionnelle reliée au champ d’étude maximise le processus, dans le domaine de l’entrepreneuriat du moins.

Pour moi, le lien entre l’entrepreneuriat et la pédagogie active s’est fait de façon naturelle, en raison d’une présentation sur le principe de « l’effectuation » à laquelle j’ai assisté il y a une dizaine d’années. C’est la chercheuse Saras D Sarasvathy (2001) qui a défini le processus effectual comme étant la logique qui met l’accent sur les moyens, puis sur les effets atteignables. Le mode effectual part de l’ensemble des ressources disponibles pour l’entrepreneur, selon le concept de perte raisonnable (ce qu’il est prêt à « sacrifier ») à partir desquels il construit les objectifs possibles.

Concrètement, Dominique Frugier (Gale du formateur en entrepreneuriat serait donc, entre autres, de faciliter ce processus et de profiter de « l’élan de départ » en mettant en valeur l’expérience initiale des apprenants.

L’apprentissage par l’expérience (durant la formation)

ujard, 2014) affirme « qu’intégrer la logique effectuale pour un accompagnant, c’est aider le porteur à évoluer et à identifier les paramètres dont il a besoin pour décider de l’action, et aider à évaluer en permanence le processus entrepreneurial en cours. » Il s’agit donc, pour la personne qui accompagne, d’aider l’entrepreneur à définir sa zone de développement, à valider ses hypothèses sur le terrain et à revenir sur ses validations, pour les transformer en apprentissage. Les mots importants à retenir son « validation terrain » et « retour sur » dans le contexte qui nous intéresse.

C’est exactement sur ce dernier point que l’effectuation rejoint le processus d’apprentissage expérientiel tel que décrit par Kolb (1984). Alors que la logique effectuale se veut un processus de validation où les essais et les erreurs permettent de s’ajuster, le processus expérientiel se veut un processus d’acquisition et de transformation par l’expérience. Cette transformation se fait par une observation réflexive, c’est-à-dire réfléchir sur les résultats obtenus avec l’expérimentation active.

Aussi, l’apprentissage par l’expérience permet effectivement d’ouvrir les esprits et de chasser les idées préconçues.  En se référant à Kolb (1984), tout apprentissage est réapprentissage, donc on « réapprend » sur les anciens apprentissages qu’on peut « chasser ».

L’expérience à venir

Puisque ce moment viendra, de toute évidence. Les entrepreneurs sont tous confrontés à des défis au quotidien et ils doivent sans cesse se questionner sur leurs modèles d’affaires, afin de rester compétitifs et rentables. C’est un processus continu. Comme l’apprentissage. Le dicton « on apprend de nos erreurs » est particulièrement vrai dans le domaine de l’entrepreneuriat. La notion de conflit dans la théorie d’apprentissage de Kolb (1984) illustre bien le processus interne vécu par l’entrepreneur au sein de son entreprise.

Dans ce contexte, est-il possible de préparer les apprenants à un processus d’apprentissage en continu, afin qu’ils retirent des bénéfices pour leurs entreprises dans le futur?

Étant donné sa nature, l’apprentissage expérientiel restera présent dans la vie de l’entrepreneur, puisque « l’apprentissage expérientiel n’est pas un concept éducationnel moléculaire mais plutôt un macro-concept décrivant le processus central de l’adaptation humaine à l’environnement social et physique » (Kolb, D.A., 1984). Ainsi, dans la mesure où le formateur aura appris à l’apprenant à comprendre et interagir avec les processus, au lieu de focusser sur les résultats, l’apprenant (l’entrepreneur) sera effectivement initié à un processus d’apprentissage en continu. Et probablement capable de s’adapter à son environnement et prendre des décisions stratégiques.